On oublie trop souvent que certaines tumeurs peuvent se prévenir avec de simples mesures d'hygiène alimentaire et de vie.
« Changer d'alimentation », c'est ce que préconise le professeur Henri Joyeux, agrégé de cancérologie, dans ces livres consacrés au sujet.
Un cancer ne se déclare jamais brutalement...
Il met des années à s'installer, années pendant lesquelles de sourdes modifications s'accomplissent dans les cellules.
Cela commence par une phase d'initiation, résultat d'une interaction entre un agent cancérogène et le noyau de la cellule où se trouve l'ADN qui contient toutes nos commandes génétiques. Cette cellule devient alors capable d'être cancéreuse. Mais pas tout de suite et pas obligatoirement.
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Il faut, pour que la phase suivante, celle de promotion, s'installe, que d'autres agents cancérogènes, justement appelés « promoteurs », agissent de façon régulière et répétée, pendant longtemps, pour que la cellule initiée se multiplie et que la tumeur apparaisse.
Cela peut prendre de dix à trente ans.
Grâce aux travaux du professeur Dominique Stehelin, de l'institut Pasteur de Lille, qui a découvert les oncogènes, ou gènes du cancer, on a fait un pas fantastique dans la compréhension de ce processus.
Parmi les 50 000 gènes existant dans chacune de nos cellules, certains (les oncogènes) peuvent cancériser ces cellules si un événement extérieur, une anomalie se produit. Reste à savoir quelles sont les substances déclenchantes, activatrices ; mais aussi celles qui sont protectrices. Car les unes et les autres existent. On en connaît déjà plusieurs qui se trouvent dans notre alimentation.
L'importance des habitudes alimentaires
C'est en étudiant la fréquence des cancers dans certaines populations et en la comparant à leurs habitudes alimentaires que l'on a mis en évidence le rôle nocif de certaines substances. Et cela avant même la découverte des oncogènes.
Par exemple, on a remarqué que, sur les bords de la mer Baltique, les cancers de l'estomac et du côlon étaient 32 fois plus fréquents chez les pêcheurs qui consommaient beaucoup de poissons fumés que chez les paysans qui n'en mangeaient pas. Cette constatation a fait porter les soupçons sur les benzopyrènes, molécules produites par le chauffage excessif des graisses.
En Angleterre, un chercheur, Hill, a remarqué qu les cancers du foie et de l'estomac étaient plus nombreux dans la ville de Workshop que dans les autres. Or, dans cette ville, le taux de nitrates dans l'eau était bien plus élevé qu'ailleurs.
On a retrouvé, dans d'autres pays, en Colombie, par exemple, la même relation entre la fréquence des cancers gastriques et la teneur en nitrates de l'eau.
On a également observé, il y a déjà longtemps, aux Etats-Unis, que les Mormons, qui ne consommaient ni alcool, ni café, ni tabac et ne mangent de la viande que deux fois par semaine, ont statistiquement moins de cancers que le reste de la population américaine.
Même constatation pour les Adventistes du septième jour qui sont végétariens. Est-ce parce qu'ils consomment beaucoup plus de légumes, moins de graisses ? Probablement.
En tous cas, ce sont ces observations et d'autres faites sur des populations ayant une consommation importante de céréales et faible de graisses qui ont créé les soupçons sur l'excès de ces dernières, d'une part, et le manque de fibres et de certaines vitamines, d'autre part.
Maintenant, on est à peu près certain que 30 à 40 % des cancers sont dus à des erreurs d'alimentation.
On a plus ou moins cerné les éléments nocifs, mais aussi ceux qui sont protecteurs. On multiplie les expériences en laboratoires sur des cultures de cellules pour confirmer et comprendre l'action positive ou négative de certains aliments. En même temps que l'on expérimente, à grande échelle, sur certaines populations, l'action protectrices des vitamines, et du béta-carotène en particulier.
Accusée N°1 : la suralimentation
Il est statistiquement prouvé que plus on est gros, plus on court de risques – en plus de ceux inhérent à l'obésité : diabète, hypertension, maladie cardio-vascularie – de faire un cancer.
Déjà en 1979, une étude publiée par deux chercheurs américains, commencée treize ans auparavant, portant sur 750 000 Américains, avait montré la corrélation entre un excès de poids de 20 % et l'apparition d'un cancer.
Depuis, les études faites ont confirmé ces données.
Que mange-t-on en trop grande quantité quand on est obèse ?
Des graisses et du sucre.
Dans les pays industrialisés, où l'on consomme plus de graisses animales (plus de 40 % des calories quotidiennes et plus de sucre), les cancers du sein sont plus nombreux. Le même rapport sinistre a été établi entre la fréquence des cancers du côlon et du rectum et l'excès de lipides.
Comment les unes (graisses) et l'autre (sucre) agissent-ils ?
Pour le moment, cela n'a pas encore été vraiment élucidé. On pense qu'il y aurait un lien entre les graisses animales, le cholestérol dont elles sont riches, qui est un précurseur des hormones sexuelles, et l'obésité qui perturbe le métabolisme hormonal. Cela pour le cancer du sein.
Pour les cancers digestifs, il n'y a pas encore d'explications. Est-ce dû au seul surplus de lipides ou à une conséquence de leur hyper-consommation qui est le manque obligatoire de fibres ? En effet, quand on mange beaucoup de produits riches en graisse et totalement dépourvus de fibres (viandes, charcuteries, fromages), c'est au détriment, la plupart du temps, des céréales et des légumes qui justement en apportent le plus. Or, elles jouent un rôle protecteur.
La minceur ou, en tout cas, le strict respect du poids idéal est la première façon de se protéger contre le cancer.
La grillade, avec prudence
C'est en 1954 que des chercheurs tchèques, Dobes, Hopp et Sula, isolèrent, dans les viandes et les poissons fumés, une substance dont il ne fait plus aucun doute, maintenant, qu'elle est cancérigène.
Cette substance, c'est le benzopyrène. Elle n'est pas la seule. Il existe d'autres hydrocarbures polycicliques, des goudrons, qui sous une intense chaleur se forment à parti des protéines et des glucides.
Il y en a aussi dans la fumée du tabac.
Le benzopyrène se forme dans les huiles et les graisses animales surchauffées. Plus ou moins selon la nature du combustible. Ainsi, il y a en a 15,2 microgrammes (par kilo) dans des saucisses grillées sur du charbon de bois, mais le double, si ce feu vient de pommes de pin.
Une solution : le gril vertical
Il y en a dans tous les aliments, sans exception, qui sont grillés. Heureusement, il reste à la surface. Un bon moyen de s'en protéger est donc d'éliminer la peau ou la couche grillée.
Un autre est de fuir systématiquement les grillades faites directement sur une plaque ou un gril horizontaux et surchauffés (le benzopyrène se forme à 250°) comme c'est le cas dans la plupart des restaurants, qu'ils soient de luxe ou bon marché.
Pour celles faites à la maison, mieux vaut avoir un gril ou un barbecue verticaux : les graisses chauffées s'écoulent, il reste ainsi moins de benzopyrènes à la surface de l'aliment grillé.
On peut également se dispenser de grillades et cuire viandes et poissons à la poêle anti-adhésive ou avec un minimum de matières grasses. La chaleur est obligatoirement moins violente et il n'y a alors pas de formation de ces dangereuses molécules.
Toutes les études démontrent que l'alcool est cancérigène. Et plus encore quand il est associé au tabac, ce qui est souvent le cas. Plus de un litre de vin et plus de vingt cigarettes par jour, le risque de cancer de l'oesophage est multiplié par 44.
Si les mécanismes d'action cancérigène de l'alcool ne sont pas encore éclaircis, on a chiffré, en Basse-Normandie, pays du cidre et du calvados, le taux de cancers par commune et par arrondissement : il est en relation directe avec l'importance de la consommation locale de ces boissons....
Les nitrates : ces ennemis campagnards
Autres substances inquiétantes : les nitrosamines, produits de la transformation des nitrates dans l'estomac et dans l'intestin. On a démontré, déjà en 1956, leur action cancérigène sur des animaux.
Or, les nitrates se trouvent à un taux supérieur à la norme (50 mg par litre) dans l'eau de la plupart des régions agricoles, où l'on emploie depuis des années et des années des engrais azotés qui sont à leur origine.
Ils polluent les nappes phréatiques, il y en a également dans les légumes (même ceux qui sont cultivés de façon biologique), on s'en sert aussi à dose limitée comme conservateurs dans les charcuteries. Il est prudent de boire systématiquement, quand on vit dans une région agricole, de l'eau minérale, provenant des montagnes où les sources échappent à cette pollution et sont, de toute façon, surveillées.
Le rôle protecteur des fibres alimentaires (dans les céréales, les légumes et les fruits), même s'il n'est pas encore expliqué, a été observé depuis longtemps, toujours par le biais des études épidémiologiques : cancers digestifs moins fréquents dans les populations qui en consomment suffisamment.
Elles agiraient en piégeant les substances cancérigènes dans le tube digestif et en accélérant le transit intestinal, empêchant ainsi ces éléments nocifs de séjourner trop longtemps au contact des muqueuses. Elles neutraliseraient également les produits de dégradation des acides biliaires produits par le foie (sous l'influence des graisses alimentaires) et qui, par l'action des bactéries intestinales, pourraient devenir cancérogènes.
Une protection contre les cancers digestifs
Plus on consomme de pain complet, de céréales, de légumes, plus on enrichit son alimentation en fibres, plus on se garde des cancers digestifs qui apparaissent généralement après 50 ans.
Des enquêtes faites en Norvège et aux Etats-Unis ont indiqué que les choux avaient également un rôle protecteur. Probablement non seulement par leurs fibres, mais aussi par leurs substances qu'ils contiennent et dont on a démontré, in vitro, sur des cultures de cellules, qu'elles protégeraient des méfaits des benzopyrènes.
Le rôle anti-cancer de la vitamine C a été soupçonné depuis des études faites par des Japonais, originaires d'une région où le cancer de l'estomac était fréquent. On a constaté qu'après avoir émigré en Hawaii, ces Japonais, adoptant alors une alimentation plus riche en fruits, donc en vitamine C, faisaient moins de cancers.
Explications : cette vitamine empêcherait les nitrates de ses transformer en nitrosamines toxiques.
Selon le professeur Joyeux, un apport quotidien de 70 g pourrait avoir un effet préventif du cancer du poumon et de l'estomac. Il suffirait pour cela de consommer des fruits à tous les repas ; avec chaque fois un agrume (orange, pamplemousse, mandarine) et de mettre du jus de citron sur le plus d'aliments possible
Une étude sur 28 000 médecins
Quand à la vitamine A et surtout au bêta-carotène, précurseur présent dans les fruits et les légumes, qui se transforme dans l'organisme en vitamine A, il a fait l'objet d'une gigantesque opération de recherche et de prévention.
Aux Etats-Unis, depuis 1982, 28 000 médecins ont pris tous les jours un comprimé, soit d'un placebo, soit de bêta-carotène.
En Finlande, avec la collaboration des laboratoires Roche, 29 000 fumeurs ont reçu différents cocktails : bêta-carotène seul, bêta-carotène associé à la vitamine E, ou à la vitamine C ou encore aux deux vitamines E et C.
On sait que la provitamine A a une action bénéfique. C'est pourquoi le National Cancer Institute a recommandé la dose de 6 mg de bêta-carotène par jour comme facteur protecteur du cancer.
Les aliments qui en sont le plus riches sont les carottes (6,6 mg pour 100 g), le cresson (5,6 mg), les épinards (4,69 mg), les mangues (2,9 mg), le melon (2 mg), l'abricot (1,6 mg) et plus généralement tous ceux qui sont colorés, jaune, orange ou vert.
Une carotte quotidienne sauverait-elle du cancer ?
Mais.... ces légumes sont également riches en nitrates, et surtout les carottes ! Il faut alors les accommoder avec beaucoup de jus de citron afin que la vitamine C neutralise ces éléments nocifs. Ou prendre du bêta-carotène en gélules.
Sans s'obnubiler sur tel ou tel aliment potentiellement dangereux ni se gaver d'un autre pour ses vertus protectrices, il faut, pour se protéger d'un cancer dans dix ou vingt ans, adopter une alimentation équilibrée, en limitant la consommation de charcuteries, de fromages et de viandes grasses, de sucre et de boissons sucrées afin de garder un poids normal, manger des légumes et des fruits régulièrement, des céréales complètes au petit déjeuner, du pain complet à chaque repas, réduire l'alcool et le tabac et boire de préférence de l'eau en bouteille, dont la source a été contrôlée. C'est finalement très simple...
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