Le cas est si fréquent que pour aider les médecins généralistes à dépister ces dépressions cachées – dont le diagnostic n'est pas toujours évident -, un professeur et ses collaborateurs (hôpital Saint-Anne) ont mis au point un test-questionnaire en treize points auxquels les patients doivent simplement répondre par oui ou par non.
Avant d'examiner ce test, voyons d'abord avec le docteur Pierre Solignac, auteur de « Les dépressions, les comprendre pour les combattre », comment une dépression nerveuse peut s'exprimer par des douleurs.
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Selon ce spécialiste, il s'agit d'une sorte d'autodéfense.
« Le déprimé bloque son angoisse sur un point du corps : on dit qu'il « somatise ». Ce processus de somatisation est totalement inconscient et involontaire, mais il n'en est pas moins utile et même bénéfiques. Il signifie que, quelque part, nous refusons l'envahissement de l'angoisse et que nous chargeons notre corps de faire barrage à son déferlement. »
Suivant les personnes, la dépression se cachera derrière des maux de tête, des douleurs cardiaques, des problèmes digestifs, des palpitations, des démangeaisons, des rhumatismes, un herpès récidivant...
Le problème, c'est que malgré ce masque – même s'il procure une certaine protection -, la dépression est là. Et elle ne guérira pas sans traitement.
Or on met parfois très longtemps à la découvrir. Une étude publiée dans « panorama du Médecin » montre que 84 % des personnes qui souffrent de ces dépressions cachées sont atteintes depuis plus d'un an lorsqu'on découvre leur maladie réelle.
Et dans 30% des cas, la dépression a évolué pendant plus de cinq ans. Cinq années pendant lesquelles elle s'est installée et est devenue, de ce fait, plus difficile et plus longue à guérir, explique le psychiatre américain Kielholz.
Le déprimé lui-même est le plus souvent incapable de déceler l'origine du mal qui le ronge – et ce d'autant plus dans ces formes masquées, puisqu'il a refusé de se laisser envahir par l'angoisse, qui est l'un des symptômes majeurs de la maladie dépressive classique. Il appartient à ses proches d'essayer d'y voir clair et de l'inciter à consulter.
Sans voir une dépression derrière chaque migraine ou chaque crampe d'estomac, soyez vigilant si vous entendez l'un des vôtres se plaindre de douleurs, maux de tête, rhumatismes... qui ne l'avaient jamais fait souffrir auparavant.
D'autres indices très parlants
La douleur n'est pas le seul signe permettant de soupçonner ces dépressions cachées. Une fois votre esprit mis en alerte, observez attentivement. D'autres indices sont également très parlants.
-Regardez si son appétit s'est modifié. Mange-t-il moins ou plus que d'habitude ? L'anorexie, comme la boulimie, sont révélatrices d'un mal-être.
-Essayer de savoir s'il n'a pas de problèmes sexuels. Le déprimé perd non seulement son ardeur, mais aussi ses capacités.
-Etudiez son sommeil : s'il se réveille souvent à l'aube et s'il a du mal à se rendormir, c'est un signe de plus. Demandez-lui également comment il dort. L'insomnie vraie ou imaginaire peut être le signe d'une dépression masquée devenue chronique, faute d'avoir été diagnostiquée plus tôt.
En présence de l'un ou de l'autre de ces symptômes, conseillez-lui évidemment de voir un médecin.
Mais vous pouvez l'aider à y voir plus clair en lui montrant le test ci-dessous et en lui demandant - comme on le fait dans certaines consultations de médecine générale – de répondre tout simplement par une croix dans l'une des deux cases « vrai » ou « faux » présentées en face de chaque question.
Après cela, ne dramatisez surtout pas la situation. Il ne s'agit pas d'aggraver son anxiété. Insistez au contraire sur le fait que la dépression n'est ni une maladie honteuse, ni une maladie incurable : bien traitée, par un médecin en qui le patient a confiance, elle guérit sans laisser de séquelles.
Mais, en vous-même, armez-vous de courage et de patience. Le rôle de l'entourage est presque aussi important que celui du médecin ; or on est souvent tenté de faire le contraire de ce qu'il faudrait.
« La dépression n'est pas une de ces « bonnes » maladies bien claires et bien nettes, qui vous mettent au lit avec un 39° de fièvre, et dont un antibiotique vient à bout en quelques jours », explique le docteur Pierre Solignac.
« Et on a parfois une certaine difficulté à accorder au déprimé le statut de vrai malade. » D'où des réactions souvent maladroites : « Voyons, un peu de courage, prends-toi en main. » Ou même parfois franchement agressives : « c'est une question de volonté. Cesse de te plaindre. »
Ce qui ne fait qu'aggraver le sentiment de culpabilité et de dévalorisation du malheureux déprimé.
Certes, il n'est pas facile de vivre avec un déprimé : un rien le fatigue. Tout l'ennuie. Il grossit le moindre reproche. D'un mot, il fait un drame.
Mais il n'est pas facile non plus à vivre une dépression : les forces physiques et les capacités intellectuelles sont diminuées. On n 'a plus le goût à rien.
L'effort personnel hâte la convalescence, c'est vrai, mais l'attitude méprisante de la famille n'incite pas à cet effort. Elle condamne le déprimé à cacher sa souffrance pour éviter l'agressivité des siens.
La bonne attitude de l'entourage se résume dans ces deux mots du docteur Solignac : « Il doit être tolérant et attentif » ; en se rappelant que ça n'est qu'une mauvaise période à passer. Aujourd'hui, avec les nouveaux anti-dépresseurs, une aide familiale bien comprise et le soutien de la psychothérapie, la guérison est assurée dans tous les cas.
Et si elle prend parfois des mois, elle peut aussi survenir en quelques heures.
Le test
révélateur
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VRAI
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FAUX
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En ce moment, ma vie me semble vide. | ||
J'ai du mal à me débarrasser des mauvaises pensées qui me passent par la tête. | ||
Je suis sans énergie. | ||
Je me sens bloqué ou empêché devant la moindre chose à faire. | ||
Je suis déçu et dégoûté par moi-même. | ||
Je suis obligé de me forcer pour faire quoi que ce soit. | ||
J'ai du mal à faire les choses que j'avais l'habitude de faire. | ||
En ce moment, je suis triste. | ||
J'ai l'esprit moins clair que d'habitude. | ||
J'aime moins qu'avant faire les choses qui me plaisent ou m'intéressent. | ||
Ma mémoire me semble moins bonne que d'habitude. | ||
Je suis sans espoir pour l'avenir. | ||
En ce moment, je me soins moins heureux que la plupart des gens. |
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